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Abraham Aboulafia

mardi 26 février 2008, par Didier


Abraham ben Samuel Aboulafia naquit à Saragosse en 1240, il passa sa jeunesse à Tudela en Navarre. Son père lui enseigne l’étude de la Bible et de ses commentaires, de la grammaire, de la Michna et du Talmud. Il entreprend des études de médecine et de philosophie, et plus particulièrement les ouvrages de Maïmonide par lequel sa pensée restera toujours très influencée. Aboulafia rédigera même un commentaire mystique sur son Guide des Egarés.

Il commence bientôt à étudier la Kabbale et, plus particulièrement du Sefer Yetsirah dont il lira les douze commentaires. Il entre alors en contact avec un groupe de kabbalistes mystiques qui lui enseignent les trois méthodes d’interprétation de la Kabbale : le Notarikon (acrologie), la Guematria et le Tserouf.

A l’âge de 31 ans, à Barcelone, il est touché par l’esprit prophétique après avoir obtenu la connaissance du Vrai Nom de Dieu. Il est alors persuadé d’avoir atteint, par la méditation des lettres et des nombres, l’inspiration prophétique et l’état de Messie. Il quitte à nouveau l’Espagne afin de transmettre, fort de l’essence divine qui l’animait, ses connaissances. Il rédige plusieurs ouvrages prophétiques qu’il signe de noms de même valeur numérique que son vrai nom : Zacharie, Raziel, …

Il se rend au Proche-Orient afin d’y découvrir l’emplacement du fleuve Sambation au-delà duquel on supposait que les dix tribus perdues demeuraient. En effet, selon la tradition messianique, le Messie devrait rechercher et retrouver les tribus perdues afin de les ramener en Palestine et réunifier ainsi le peuple d’Israël. L’arrivée des Mongols dans la région et les troubles qui s’en suivent obligent Aboulafia à repartir pour l’Europe et il passe ainsi dix ans en Grèce et en Italie.

En 1280, il entreprend un voyage à Rome afin de se présenter devant le pape et discuter avec lui « au nom des Juifs » et le convertir à sa doctrine messianique et réaliser l’œuvre du Messie devant réunir les trois branches abrahamiques pour réaliser les prophéties de la Fin des Temps. Dans cette entreprise il a sans doute été influencé par les écrits de Nahmanide :

« Quand le temps de la fin arrivera, le Messie au commandement de Dieu viendra vers le Pape et lui demandera la libération de son peuple ; alors seulement le Messie sera considéré comme réellement venu, mais pas avant cela. »

À l’annonce du projet d’Aboulafia, le pape Nicolas III donne l’ordre d’arrêter Aboulafia et de le mettre à mort. Mais la disparition subite du pape lui sauvera la vie. Aboulafia relatera cette épopée dans son ouvrage Le Livre du Témoignage.

Doctrine
Aboulafia ne veut pas s’occuper de la simple tradition, mais de cette Kabbale des kabbalistes qui cherchent la connaissance de Dieu au travers des dix Sephiroth et des vingt-deux lettres de l’alphabet hébreu, en insistant toutefois sur l’essence profonde des Sephiroth et leur refusant toute existence matérielle ou amalgame en tant qu’attributs divins.

Il distingue quatre sources de Connaissances :

* les cinq sens ; * les idées ou dix nombres abstraits (sephiroth) ; * le « consentement universel » ; * la Tradition (Kabbale).

Cependant, le point central de la doctrine et le but ultime d’Aboulafia est de « desceller l’âme, d’enlever les nœuds qui la lient ». Ce « dénouage » est un moyen de réintégrer l’état d’unicité originelle en se dégageant des barrières qui séparent l’existence personnelle de l’âme du courant de la vie cosmique. L’âme est, en effet, confinée dans les limites naturelles et normales de l’existence humaine et ces barrières la protègent contre le flot du courant divin et l’empêchent de prendre connaissance du divin.

« Les préoccupations du monde physique sont autant d’obstacles sur la voie de l’illumination dont il faut se débarrasser par une discipline ascétique avant de s’engager dans la pratique de la méditation qui mène à l’union avec le divin. Toutefois, Aboulafia ne prêche pas une négation complète du corps. Il reconnaît non seulement que le bien-être psychologique de l’individu dépend de la réintégration dans le monde physique, mais aussi que l’union mystique elle-même fait l’objet d’une expérience en termes somatiques, voire érotiques. » — Wolfson

Il faut donc aider l’âme à trouver un chemin pour percevoir plus que les formes de la nature et du monde matériel. Se débarrasser de l’excès de l’ego est l’un des premiers pas vers ce chemin ; concentrer l’âme sur des sujets spirituels abstraits et aller au-delà des apparences grossières en est un autre… Selon Aboulafia, il faut trouver un objet de concentration spirituelle de l’âme afin de la guider vers le « dénouage des nœuds » et, selon lui, le meilleur objet de méditation est l’alphabet hébreu. En se basant sur la nature non corporelle et abstraite de l’écriture, Aboulafia développe une théorie de la contemplation mystique sur le Nom de Dieu. Aboulafia répand alors une nouvelle discipline qu’il nomme Hochmah ha-Tseruf, la « science de la combinaison des lettres », qui est décrite comme un « guide méthodique » pour la méditation en faisant appel à l’étude des lettres et de leurs graphies. Il prétend ainsi opérer une union mystique avec Dieu grâce à l’arithmétique.

Le rôle joué par les Sephiroth dans le système d’Aboulafia peut se résumer dans le fait que les dix Sephiroth se concentrent lors de la méditation pour entrer toutes ensemble dans la plus haute qui est la Pensée ou la Couronne et qui est la racine de toutes les autres reposant elle-même dans l’En-Sof. Les Sephiroth sont appréhendées comme une Trinité Supérieure correspondant aux trois premières lettres de l’alphabet et aux trois principes de la vie humaine : le principe vital, le principe végétatif et le principe rationnel. Les Sephiroth sont pour Aboulafia des canaux par lesquels l’influx intellectuel s’épanche sur le mystique et, ce faisant, ils facilitent son adhésion au Nom Divin. Aboulafia décrypte dans le tétragramme divin YHVH l’expression yod hawwayot, les dix essences, qui sont les intellects distincts et des états d’esprit internes.

Grâce à une méditation méthodique, cette discipline permet d’obtenir un nouvel état de conscience. Cette méthode peut être comparée aux altérations de conscience opérées à base d’hallucinogènes afin d’obtenir un accès à des champs d’expériences que la raison empêche d’appréhender. Aboulafia quant à lui compare cette méthode à la musique, les lettres prenant la place des notes dans la gamme. Il développe ainsi une propédeutique qui s’apparente aux expériences d’union mystique des soufis de l’Islam, et peut-être a-t-il été influencé dans cette voie lors de ses voyages au Proche-Orient ? Quoiqu’il en soit, nous sommes en présence d’une forme de méditation mystique nouvelle car faisant appel à l’étude des lettres et des nombres au travers de trois voies : la Mivta, ou prononciation, la Miktav, l’écriture, et la Mahshav, la pensée, Voies qui permettent d’entrer dans un état second détachant l’âme de ses contingences physiques habituelles. Pour avoir essayé cette méthode, nous pouvons assurer au lecteur qu’elle fonctionne. Nous ne sommes jamais arrivés à l’union avec Dieu, car nous ne la recherchons pas, mais la méditation des lettres et des nombres au travers de la méthode d’Aboulafia permet d’obtenir des résultats similaires à ceux que l’on rencontre lors d’une tenue soufi ou d’une prise de psychotropes.

Aboulafia utilise aussi deux autres méthodes : Dillug et Kefitsa, le saut et le bond, qui visent à passer d’une association à une autre à des fins méditatives. Ces méthodes s’apparentent aux méthodes psychanalytiques des associations. Le saut permet ainsi d’éclairer les processus cachés de l’esprit qui délivre l’étudiant de la sphère naturelle et qui peut conduire aux limites de la sphère divine. L’esprit d’Aboulafia repousse ainsi constamment les limites de la compréhension rationnelle en adoptant une attitude d’inversion des contraires qui permet d’identifier les qualités antagonistes. Ainsi, pour Aboulafia, la tête est la queue, la droite la gauche, l’ange Satan… Il n’y a jamais de stase dans sa réflexion, dans la mesure où toute chose peut devenir son contraire. Chaque pensée est ainsi une étape sur une route qui nous emporte toujours plus loin après un répit temporaire.

Aboulafia conseille également, lors de ses méditations, d’effectuer des exercices de respiration et d’adopter des postures spécifiques. Son ouvrage "La Lumière de l’Intelligence" offre des similitudes frappantes avec les traités de Yoga. Ainsi, sa méthode offre-t-elle une richesse que peu de Kabbalistes mystiques peuvent soutenir et nous dirions même que sa méthode est moderne au regard de l’engouement pour les philosophies extrême-orientales. Mais celle-ci va plus loin, car elle met l’Homme en contact avec Dieu mais aussi avec lui-même.


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