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Voyager d’un point de vue nomade

mercredi 17 septembre 2008, par Didier


Voyager nomade
Le thème de cet ouvrage, « voyager nomade », serait il tautologique ? L’action de voyager n’est elle pas le propre du nomade et celle de nomadiser n’implique t-elle pas le fait de voyager ?
Dans cette formule, qui semble énoncer deux fois la même chose, la redondance n’est qu’apparente.
 »Voyager » et « nomadiser » apparaissent, d’un point de vue nomade, comme des notions distinctes. Bien que les réalités qu’elles englobent entretiennent des affinités claires, elles n’ont ni les mêmes implications, ni les mêmes conséquences. Un nomade n’est pas nécessairement un voyageur, et inversement, un voyageur n’est pas forcément un nomade. Tenter de cerner les contours de ces concepts de « nomadisme » et de « voyage » conduit à étudier des versants essentiels de l’imaginaire social et symbolique des communautés considérées, mais amène aussi à aborder des aspects très concrets de ces réalités.

Les différents angles d’approche adoptés permettent rapidement de comprendre que la notion de « voyage » ne s’applique pas à tout mouvement dans l’espace et n’est d’ailleurs pas réductible non plus à un déplacement physique, puisqu’il existe aussi des voyages immobiles, comme le « voyage subtil des femmes » ou le voyage spirituel des initiés. Les déplacements réguliers du campement , par exemple, qui rythment la vie nomade, quelle que soit leur ampleur, ne sont pas considérés comme des voyage. De même les trajets parfois longs nécessitent la recherche d’animaux égarés, ou encore le chemin qui mène au puits, n’en font pas plus partie.
Voyager sous-entend généralement le fait de sortir du territoire connu, de l’espace social, culturel, géographique familier, pour se rendre vers un espace perçu comme extérieur, étrange et lointain. Cette notion implique l’idée d’une rupture avec les activités et la vie de tous les jours, avec les repères domestiques essentiels comme l’habitat, les repas pris à la maison, l’environnement familial mais aussi avec les valeurs, les manières d’être, la langue…

Voyager renvoie également à une activité qui possède une structure particulière, un rythme contrôlé et réglementé dans un espace et un temps défini, des étapes régulières, une organisation propre qui permet de dire qu’il s’agit d’un voyage. Enfin, le voyage qui n’a pas de but précis n’apparaît pas comme un voyage, mais appartient au domaine de l’errance qui est une action dangereuse, inconsidérée, irresponsable, asociale, ne mettant pas en jeu les compétence requises pour voyager. En fait, l’objectif d’un voyage, estimable à condition qu’il entretienne un rapport avec le « bien collectif », conjugue le plus souvent divers nécessités d’ordre économique, politique, social, culturel, religieux, psychologique…
Les itinéraires choisis et les pôles d’attraction polyvalents auquel conduisent ces parcours et où s’effectuent les échanges entre les mondes révèlent les relations étroites qu’entretiennent ces domaines d’expérience.
C’est le cas, par exemple, du pèlerinage à la Mecque qui, parmi les sahariens reste une pratique relativement minoritaire au 19e et 20eme siècle et relève d’une décision individuelle dont les motivations apparaissent variées : la spécificité religieuse de ce périple n’efface que rarement les autres objectifs visés par les voyages lointains, qu’ils soient d’ordre économique, politique, social ou psychologique.
La préparation et l’organisation du voyage, l’équipement et les bagages des voyageurs, les modes de transport, les savoirs habituellement sollicités pour voyager (orientation, géographie, soins vétérinaires, chasse, cuisine, capacité à communiquer, connaissance linguistique…) renseignent autant sur l’organisation matérielle du voyage que sur les significations sociales et symboliques dont celui-ci se trouve investi.
Enfin, les voyages peuvent être collectifs ou individuels. Cependant, le recrutement des voyageurs reste sélectif. Définir qui voyage et pourquoi est également l’un des volets de cette interrogation. Celle-ci, de manière plus large, s’intéresse à la construction des espaces de références nomades, à leur hiérarchie, à leurs variations et à leurs transformations. Elles permet de mieux saisir les mondes connus et maîtrisés d’un point de vue nomade , variant en fonction des époques, sur le plan non seulement géographique, mais aussi social, politique, culturel…
Le thème des voyages « entravés » ou celui du « rétrécissement » et de la « clôture » des horizons ont les leitmotiv associés, en pays nomade, à la modernité politique. Cette vision contraste d’ailleurs fortement avec celle développée dans beaucoup d’écrits occidentaux qui pensent au contraire que ces sociétés, souvent imaginées comme des « isolats » ou des communautés étroites et tribales fermées sur elles-même, seraient sorties de leur claustration grâce à l’Etat. Les deux versants de ce phénomène sont analysés, l’un concernant les caravanes à l’époque coloniale et l’autre l’invention dans le contexte actuel d’itinéraires commerciaux inédits vers les capitales des nouveaux Etats africains ou vers d’autres continents, l’Europe et l’Amérique

Comme quête de savoir, le voyage définit un projet intellectuel dont la finalité clairement exprimée est la recherche jugée stimulante du monde inconnu, de tout ce qui n’appartient pas à l’espace balisé : « défricher le désert » permet, de ce pont de vue, de repousser les frontières de l’altérité ou encore d’élargir les contours de l’identité. Dans ce sens, voyager est une action valorisante qui procure un gain non seulement à l’individu qui l’a mené à bien, mais aussi à sa communauté. Cependant, c’est une action que tout le monde n’est pas capable d’entreprendre. Elle peut aussi déboucher sur la perte de soi et sur la fragilisation de la société.
Mettre en évidence les ressemblances et les différences entre le fait de voyager et celui de nomadiser renvoie finalement à des principes fondamentaux qui structurent les représentations de l’ordre social aussi bien que cosmique dans les sociétés de désert. Cette démarche relève, sous une forme spécifique, certains pivots autours desquels s’articulent d’autres paires distinctives comme, par exemple, la frontière des genres, assignant des rôles différents aux femmes et aux hommes ; ou la distinction entre le individus selon qu’ils sont apparentés par des chaînons masculins ou féminins ; ou encore la différence entre catégories sociales, entre dominants et dominés, entre protecteurs et protégés, entre aînés et cadets, entre détenteurs de savoirs de l’extérieur et détenteurs de savoirs de l’intérieur…Elle met en scène la vision gémellaire du monde ou la double nature des choses. Elle révèle les conduites qui font écho à ce schéma pluriel ou au contraire le démentent, le bousculent et le modifient t sont, pour cette raison, considérées comme anormales, exceptionnelles, marginales, ou nouvelles.
Le voyage est l’occasion de décliner sous des formes multiples les variantes de cette relation d’opposition et de complémentarité entre l’intérieur et l’extérieur, le féminin et le masculin, le froid et le chaud, l’établi et le mouvant…Cet événement met en scène le rapport complexe qui relie ces pôles dont le bon équilibrage assure la stabilité de l’édifice social.

Ainsi, à petites touches, se dessinent certains traits majeurs des dispositifs de savoir mis en œuvre pour aborder les mondes étrangers et organiser les rapports avec eux, permettant d’élaborer la frontière fluide entre l’identité et l’altérité. Par bien des aspects, les logiques déployées au sujet du voyage prolongent les thèmes abordés dans de précédents ouvrages portant sur les interactions sociales et culturelles. De ces conceptions et des stratégies qu’elles impliquent, il ressort, dans les espaces sociaux étudiés, une valorisation évidente de l’aspect syncrétique et hybride de la culture et de l’identité, illustrée parle portrait au caractère futé et innovant des personnes interculturels ainsi que le rôle fondamental que jouent dans l’architecture sociale « les personnages de l’entre-deux ». Il n’y a de sens que dans cet état où le sens est producteur d’une multiplicité d’autre sens. Cette étape est à la fois lointaine et proche, elle peut être produite en certains moments éphémères qui parfois résument le départ et l’arrivée de la marche. Chaque arrivée est un nouveau départ vers cette étape où tout est concentré et qui n’est qu’un pas vers d’autres marches à venir. Hélène Claudot-Hawad

L’Art nomade de voyager
Définir le voyage est moins simple qu’il n’y parait. En effet, le mouvement sur des distances souvent importantes fait partie intégrante de la vie nomade, or tout mouvement n’est pas nécessairement vu comme un voyage ; d’autre part, l’amplitude même du déplacement pas plus que sa durée, ne semblent constituer des critères décisifs pour opposer ce qui est voyage à ce qui ne l’est pas.

Pour saisir le sens de ce concept, il parait utile au préalable de le situer dans un système de représentations plus large dont je définirai ainsi les principes de base.
Le premier est le caractère dynamique prêté à toute chose, tout être, tout élément constitutif de l’univers, chacun étant perçu en mouvement sur un parcours dessiné à l’image du parcours cosmique.


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