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Defixiones, les tablettes de malédiction

dimanche 13 mars 2011, par Didier


Qu’est-ce que la defixio ?

Tiré du verbe defigere (clouer, fixer de haut en bas), le nom latin defixio désigne l’opération qui consiste à envoûter une personne au moyen d’une tablette de malédiction, considérée comme magique : on en a trouvé plus de 2000 exemplaires.

Les tablettes de malédiction : à quelle époque et où ?

Les tablettes de malédiction concernent une longue période de l’Antiquité, du Ve siècle avant J.-C. jusqu’au VIe siècle de notre ère. On les trouve également dans un vaste espace : l’ensemble du monde gréco-romain, de la Syrie à la Grande-Bretagne. Elles visent toutes les catégories de la population : les avocats, les cuisiniers, les cochers dans les courses de char, les prostituées, comme les plus hauts dignitaires de la République ou de l’Empire. Au point que Pline l’Ancien écrit : « À dire vrai, il n’y a personne qui ne craigne d’être envoûté par des malédictions funestes » (Histoire naturelle, XXVIII, IV, 19).

Quelle est l’action de la defixio ?

La defixio consiste à transpercer (figere) et à fixer "en bas" (préfixe de-) : c’est-à-dire vers les Enfers et le monde des morts. La grande majorité des tablettes est percée d’un clou qui matérialise fortement cette volonté de paralyser, de clouer celui que l’on veut atteindre. Dans la langue grecque le terme employé est celui de katadesmos (action de lier en bas). Le " lien" en grec est l’équivalent du "clou" en latin. Dans les deux cas, il s’agit d’une prise de possession violente de celui ou de celle dont on veut obtenir quelque chose.

Où sont déposées les tablettes ?

Elles sont le plus souvent placées dans des lieux qui ont une connexion avec le monde d’en bas : les cours d’eau souterrains, les puits et notamment les tombeaux. Nombre d’entre elles ont été retrouvées par les archéologues parmi des ossements ou à proximité d’urnes funéraires. Certains les glissent dans les conduits destinés à verser la libation rituelle au mort. Beaucoup de familles, afin d’éviter l’utilisation magique de leurs morts, placent des sortes de passoires dans les conduits pour que seul le liquide de la libation puisse passer.

Les tombeaux de jeunes filles ou d’enfants sont privilégiés : on croyait en effet que les morts prématurés (aôroi) ne trouveraient le repos qu’une fois passées les années qu’ils auraient dû vivre normalement sur terre. Durant ce grand laps de temps, ils avaient donc toute latitude pour aller porter les malédictions aux vivants. D’autres lieux, comme les amphithéâtres, où survenaient de nombreuses morts violentes sont aussi fort recherchés : on enfouit alors la tablette de malédiction dans le sable de l’arène.

Sur quel support ces malédictions sont-elles écrites ?

Elles sont le plus souvent gravées sur du plomb, pour des raisons au départ symboliques et analogiques : le plomb a la couleur de la mort ; il est lourd et froid, mais il est aussi aisément maniable et peu cher. Certaines malédictions cependant sont écrites sur des supports plus fragiles comme la cire ou le papyrus, mais aucune d’entre elles ne nous est parvenue.

Elles sont souvent écrites en style boustrophédon (les lignes sont écrites alternativement dans un sens puis dans l’autre). Une inversion là encore par rapport à l’écriture ordinaire.

Comment confectionner une tablette de malédiction

La confection est longue et codifiée, c’est pourquoi beaucoup recouraient à des magiciens professionnels, souvent itinérants, pour les aider dans cette opération. La tablette de malédiction indique toujours le nom de la personne que l’on veut atteindre : dans la mentalité latine, notamment, le fait de nommer quelqu’un c’est déjà posséder un pouvoir sur lui - pour les latins il existe en effet de nombreux liens et affinités entre les deux mots NOMEN (nom) et NUMEN (puissance magique et divine). On ajoute ensuite le nom de la mère de son adversaire, et non pas celui du père. C’est là encore un procédé d’inversion par rapport à l’usage habituel.

Les motifs qui inspirent la rédaction de ces tablettes sont multiples :

un procès pour empêcher l’adversaire de gagner : on cherche à le paralyser, à l’empêcher de parler ou de se souvenir ;
un amour : c’est là le cas le plus fréquent ; on maudit son rival ou l’on impose son désir violemment à l’homme ou à la femme dont on voudrait être aimé ;
un vol : on maudit le voleur pour récupérer ce qu’il a volé ; une compétition sportive, par exemple une course de char : on maudit un concurrent pour qu’il perde.
On peut écrire la malédiction à la première personne : je cloue une telle Rufa, fille de Pulica, ses mains ses dents ses yeux, ses bras, son ventre, sa jambe, sa bouche, ses pieds… La phrase enserre ici d’un filet mortel l’adversaire et toutes les parties de son corps.
La malédiction peut être écrite aussi à l’impératif, à la façon d’un appel aux dieux d’en bas ou au Panthéon des dieux grecs et égyptiens. On invoque souvent un dieu syncrétique ABRASAX, dieu du passé du présent et de l’avenir. La transcription numérique de son nom donne 1+2+100+1+200+1+60 soit 365. Ce chiffre correspond au nombre de jours de l’année solaire, et désigne ainsi une divinité en mesure de tout embrasser. S’ajoutent aussi à ces noms de divinités des noms « barbares » riches en allitération et qui font revenir les mêmes syllabes, par exemple bériambo bériambébo, borphorpha erpphor phorbaio, qui offrent la possibilité de faire sonner et vibrer la voix du magicien assez fortement pour qu’elle puisse être entendue par les dieux. Leur puissance est aussi liée à la valeur magique des lettres qui les composent. Elles renvoient aux autres noms des dieux, souvent leur nom secret, d’autant plus puissant qu’il reste mystérieux. Le prononcer permet au magicien de contraindre la divinité. 1/2 filet blanc

Les deux phases de l’opération magique :
le logos et la praxis

Une fois écrites les formules sur la tablette de malédiction - la phase du logos - le rituel de la defixio n’est qu’à moitié achevé. Commence ensuite l’opération magique proprement dite : la praxis. Parallèlement à la récitation de la formule, on torturait le plus souvent des poupées, faites de cire ou de laine. Beaucoup ont disparu du fait de la fragilité des matériaux, mais on a pu en retrouver certaines comme une figurine percée de clous et conservée au Musée du Louvre (nv. E 27145). Le papyrus grec magique IV nous donne à la fois la recette avec les formules et l’exemple concret des pratiques magiques effectuées sur une poupée.

« Prends de la cire ou de la boue à un tour de potier, façonne deux figurines, l’une mâle et l’autre femelle. La figurine mâle fait la comme un Hermès armé brandissant de la main gauche une épée qu’il enfonce dans le cou de l’autre figurine, du côté droit ; quant à celle-ci, tu lui lieras les bras derrière le dos, à genoux et tu lui attacheras sur la tête la substance magique (un objet ou des ongles ou des cheveux ayant appartenu à la personne à envoûter). Puis porte des inscriptions sur la figurine de la femme que tu veux attirer : sur sa tête : iséeê Iaô ithi ouné bridô lôthion Néboutosoualéth, sur son oreille droite : Ouêr mêchan (…) (En perçant la poupée), dis à chaque fois : « Je te perce telle partie à toi, Une Telle, pour que tu ne te souviennes de personne, sauf de moi, Un tel. Ensuite prends une tablette de plomb, écris et récite en même temps la formule. Ensuite attache la tablette aux figurines avec un seul fil de toile, après y avoir fait trois cent soixante cinq nœuds, en disant, comme tu l’as appris : « ABRASAX, prends possession »… Trad. P.C A.O.M

Ces opérations magiques ne traduisent pas seulement une explosion brute de haine ou de désir : elles sont complexes et codifiées et supposent la foi dans le pouvoir des mots. Formules et incantations tirent leur force de la puissance que l’on veut bien leur accorder et sont rédigées à partir de modèles que l’on juge efficaces. Les tablettes mettent en œuvre une rhétorique codifiée : la malédiction doit parvenir à persuader les forces occultes, en recourant à un véritable art oratoire où abondent répétitions, litanies et marques rythmiques. Le langage magique est ici par essence métaphorique : il tente de capter les analogies et de les fixer, et de lier ainsi dans une longue chaîne de correspondances les mots et les choses.

L’on sait également combien l’exaltation des forces irrationnelles porte en elle-même un danger mortifère tout particulièrement sur des esprits sensibles : il importe d’en être résolument conscient et de savoir à chaque fois analyser ces tablettes de malédiction avec un esprit critique en rappelant que leur pouvoir de fascination tient avant tout à l’ambiguïté de l’irrationnel : les progrès de l’esprit scientifique n’ont pas toujours entraîné chez l’homme la disparition d’une zone commune où le rationnel et l’irrationnel s’interpénètrent et se combattent au cœur de ses interrogations sur la nature des êtres et des choses.

Source article des Defixiones

Article Les tablettes d’exécration de l’Afrique du Nord à l’époque romaine sur Persee

Tablette de Defixion de Bath

Source Photo Tablette de Defixion de Bath sur Wikipedia


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